La femme gelée / Annie Ernaux
Encore un hommage à Annie ERNAUX, écrivain qui habite Cergy, certainement pas le dernier, ses romans me touchent et m’apportent des moments de plaisir ! Si j’avais eu son talent c’est sur les sujets qu’elle aborde que j’aurais voulu écrire. La femme gelée est un livre autobiographique comme tous ceux d’Annie ERNAUX Elle raconte son enfance en Normandie dans le café-épicerie familial. Sa mère arrivait très bien avec beaucoup de force de caractère à concilier la tenue du commerce et les tâches ménagères. Son père est tendre, plus effacé. Les hommes pour elle c’est aussi les clients qui boivent trop « les mauvais castagnent leurs femmes, les bons leur rapportent la paye et elles en reconnaissance leurs donnent leur dimanche pour aller faire le jeune homme au bistrot au ou foot. Obscurément , je sens que presque tous les malheurs des femmes viennent par les hommes. Je ne m’y attarde pas, mon modèle à moi c’est ma mère et elle n’est pas victime pour un rond". Très jeune elle se refuse à se rôle dévolu aux femmes par les hommes "Etre une fille, c’est d’abord être moi.. La réserve naturelle des petites filles, leur maintien modeste et leurs effarouchements supposés, je n’en vois pas la trace en moi ni en mes copines de jeux. Les toujours mignonnes qui jouent à la dînette et cueillent des petites fleurs, on les appelle des crâneuses et des chochottes". A l’adolescence, elle tente de se conformer à ce que l’on attend d’elle pour être choisie par un homme « je dépense une partie de mon énergie à me façonner une image séduisante. Avec quelle platitude, quelle application, je me jette sur tous les signes extérieurs de la bonne féminité, celle qui aguiche, quelle ténacité pour m’affirmer jeune fille à quatorze ans. Mais ces bas, cette jupe droite, ces talons hauts, ne sont pas dans ma jugeote d’alors destinés à me transformer en objet sexuel mais à me rendre heureuse en étant choisie". C’est ensuite les études, la recherche de l’amour. Elle le trouve et cela la conduit malgré elle au mariage. Petit à petit elle va devenir cette femme gelée par le cumul des activités professionnelles avec la lourdeur des tâches ménagères et l’éducation de ses enfants. Toutes ses aspirations à la découverte, au plaisir, à la liberté, au bonheur se figent. C’est un très beau livre sur la condition féminine qui suscite la réflexion et qui permet de trouver parfois des réponses à des quêtes personnelles. Beaucoup de femmes s’identifieront à cette femme gelée que décrit si bien Annie ERNAUX. C’est très difficile de vivre dans une contradiction permanente : être fière d’être femme et l’assumer (séduire, se marier, enfanter, aimer, éduquer) et refuser en même temps, comme une faiblesse, ce rôle dévolu à la femme (aimante, attentionnée qui prend soin de son mari, de son foyer et de ses enfants). On peut s’étonner, même si l’amour est latent, qu’Annie ERNAUX soit si détachée quand elle parle de ses enfants et que La tendresse soit absente de ses propos. Il y a reproduction du modèle maternel, Il est difficile de concrétiser l’amour d’en donner les preuves quand on est toujours en quête pour les trouver. |